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NOTRE SÉLECTION DE POÈMES : Hans GIÉBE

Île-de-France


Nous avons niché dans toi
cartographes hurlants
en exil et en spasmes
nous dansons avec les crabes
sous les étoiles gelées.
Tu Es,
évocatrice de marbre
en qui nous cherchons la parole ancienne
comme des assoiffés de consolation.
Tes longs plumages
calcaires sous le vent
retombent sur tes cuisses pétrifiées
sur lesquelles tu soutiens
cet apprenti de l'impossible.
Tous te désirent,
certains comme prostituée de cinéma,
d'autres
te chérissons comme muse.
Paris,
combien de drakkars
combien de haches saxonnes et de fusils allemands
auront convoité ton élégante sauvagerie ?
Vénus d'eaux vitreuses,
mon cygne malade de nostalgie,
cœur de toutes les Gaules
nord de France.
Îlots navigant solitaires,
mes étoiles filantes topazes
cheminant en songe ambré.

Île-de-France,
les langues acérées de la pique
et les phalanges de baïonnettes
ont tenté de dévorer ton viscère monolithe.
Saturée de fulgurations
et de printemps cristallins,
tu glisses sur des miroirs de cyan.
Avec minutie et en détail
les cyclopes redondants
t'ont dédié leurs forces.
Les épis du futur ont germé en toi
parmi les fers tubulaires,
parmi les ponts
et les sifflements nervurés
hissés avec glamour jusqu'aux cieux.

Île-de-France,
dans tes bras en spirale,
avec les turquoises de la Seine
nous sommes enclins à boire
desdichados
perdus dans les reflets.
Le long de ces voies
de légendes pétrifiées,
dans tes ruelles d'amourettes lestes
nous dilapidons notre bagout.
Les bourreaux ont accordé l'échafaud
aux échos des rois pâles d'autrefois
Tuileries,
La Concorde, Versailles.
Ils ont tranché la chaîne des inculpés de la Bastille.
Ils ont affûté les guillotines profanes
entonnant l'exaltation des révoltes.
De toi, femme éthérée,
sourd un chant d'oiseau de nuit
quand on avance vers la mort.
De toi émane un arôme révolu
d'égarements indéchiffrables.
Dans ton cœur sacré,
dans tes tours et ton nom,
les poètes trouvent leurs brasiers
près de hautes fleurs endormies
et de copieux hymnes lézardés.
Odes du passé
que tu ressuscites empressé
quand tu trames les avenirs.
Avec délice et patience
tu macères l'immortel
peint sur porcelaine inaltérable.

Île-de-France, Paris,
je me souviens de toi comme on se souvient
en exil de l'amante,
la vigne entre les dents,
et un scintillement dans la bouteille;
avec la virilité
de ma plume ensanglantée.
Je me souviens de toi,
lèvres tremblantes
éclaboussées d'illusions boréales,
traînant mes pieds rétamés
de l'aube au couchant
dans chacune de tes rues.
Explorant tes moindres passages
pierre sous pierre
de palais et de murailles.
Je t'ai palpée joyeusement...
Les feux de l'hiver
immergés dans ma chair
perdurent encore,
se souvenant de la fraternisation
de la cendre et de la neige.

Paris,
chaque aurore
tu me confiais un secret.
Attentif je t'écoutais et tu comprenais
mon message intérieur
m'envoyant un moineau enrubanné,
comme un petit enfant aux yeux rieurs
orphelin de longue date
se poser entre mes pieds.
Tu m'as protégé tendrement
dans chaque gramme de silence engourdi.
Tes caresses je les garde en moi,
tes manières courtoises
me prenant la main
par la feuille persistante de tes jardins,
habités de sculptures
et de créatures minuscules.

En grimpant tes cathédrales
on est vent, pluie et volubile.
C'est le minéral incandescent
des sentiers d'un autel arboré
des Buttes-Chaumont.
A Belleville j'ai connu la douceur de ton automne
et tes mausolées,
tes marchés aux senteurs multiples
de crèmerie et de cerise.
Depuis une mansarde je te contemplais
dans le gris des heures qui passent
caressé par les mouches
en ravissement total.
Les oiseaux étaient des fleurs ailées,
folâtrant sur les épaules
de libertaires invétérés.
Dans leur esprit,
un colibri fou
bourdonnait en mesure,
dans chaque livre ouvert
de philosophe ou illustré
conservé dans des bibliothèques fuligineuses.

Moi
le néant m'a baptisé à Saint Merri
une nuit de liturgie et d'énigmes,
aux vents gutturaux,
inondant mes oreilles
de sonates aigres-douces.
Dans de somptueuses rosaces
les louanges ont retrouvé leur couleur.
Les vitraux médiévaux
m'ont tatoué les pupilles
de serfs, reines et bouffons.
Avant que la poussière ne nous ensevelisse,
Paris chérie,
empli d'une telle nuit,
dis-moi sans hésitation,
à qui dois-je cette éternité
qui transperce ma poitrine ?

Hans GIÉBE (Traduction Michel CAND)


Hans GIÉBE est poète et philosophe, mais aussi peintre-muraliste.
Auteur de plusieurs livres, il est également promoteur d'un festival littéraire et éditeur à Pachuca, état d'Hidalgo, Mexique.
Ses poèmes ont été traduits et publiés en français, anglais, néerlandais.
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Poèmes publiés sur le site internet lemanoirdespoetes.fr