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NOTRE SÉLECTION DE POÈMES : Pablo URQUIZA

Ficus


Asymétriques, suspendus
dans la grâce du déséquilibre,
nous sommes jeunes tous les deux
          malgré nos âges :
des doigts sans gravité nous coiffent
imitant des forêts pas prêtes encore
          à se montrer,
découvrant des formes qui font sourire
          encore les anges.
Je pousse en lui, et dans la chambre
          sans livres
nous protégeons nos ombres :
des yeux aux manières impensées
          nous lisent,
des paysages en lui et en moi
          nous guident.
Mon parc adolescent de hlm,
mon seul amant français,
suit, vert, sans me quitter,
          ce qui fait de moi
          la nuit,
même si nous dormons depuis vingt ans
          ensemble,
Et de sa main arrivent les saisons
à notre Enfert paradisiaque,
à notre boulevard immobile sans Massénas
et sans mâchoires de maréchaux.
De notre mort seront témoins heureux
          toutes les heures passées
          devenues feuilles.

Pablo URQUIZA


Cette ligne, une fraction...


cette ligne, une fraction de tucumán*
arrivée en sursaut en abandon et titulaire
d'un diplôme pour l'air pur dans ses côtés
avec son insolence de lier et son pinceau
sur les fenêtres dessinant mal la pauvre
marée normande
avec ce froid de ferraille avec cet hasard effrayant
les orangers jusqu'à la racine de leurs fleurs
la ligne en moi en musique en miscellanées maussades
la ligne des lilas lit lunes listes lichens
libère limbes liquide presque dans un train à paris
serrée d'aurores
hallucine tel un signe du sud apercevant
des reflets partis refugiés peut-être depuis longtemps
en autres lignes

Pablo URQUIZA

* province presque tropicale d'Argentine


Petite chanson pour I


Souviens-toi, amour,
tu gardais une étoile
rencontrée dans l'âme
d'un ciel de Clamart.  

Mais les gris passants
voulaient l'enlever,
voulaient l'occulter,
pour couvrir tes yeux  

d'un monde de misères,
d'un monde sans rêves,
d'un royaume de peur
où meurent les couleurs...  

Souviens-toi, amour,
tu avais vu l'étoile
égarée aux Halles
un matin d'avril...  

Ses couleurs sont là,
tristes, abattues,
mais les gris passants
ont perdu la vue...

Souviens-toi, amour,
seuls les nuages
savent lire les pages
de ces ciels en toi.

Habillés en îles,
en doux orangers,
l'étoile et ton chant
parsemaient Clamart...

Sentiers adolescents,
trottoirs imagés,
veillent sur ta voix
et la tendre étoile...

Souviens-toi, amour !

Pablo URQUIZA


Ulysse


J'écris sous le signe
d'un chien d'amour qu'on me raconte
se promène vieux déjà dans ma patrie
et aveugle aux meubles habituels peut-être,
pas à l'appel
de Milonga et ses petits chiots par exemple,
pas aux arômes de la cuisine,
à la voix de maman ou à la détresse
de Leopoldo El Tero pour ses frères dans l'air.

J'écris sous ton signe, Ulysse,
et me célèbre chien dans des endroits
et sur des arbres qui me font lever joyeux ma patte,
arroser d'un or précieux d'aboiements
l'air serein de Naucalpan,
celui de blonds visages ici en France,
mon autre air de province,
        air de métisse parmi Las Torres.

Sous ton signe je suis le chien
fier de son quartier et sa maison,
seigneur des patios et de l'ombre
superbe des vignes et l'oranger.
Mon autre air provincial là-bas en Amérique,
mon air de zambas, d'Indiens et de Seigneurs ici en Europe,
chante sous ton secret, Ulysse,
aveugle maintenant à ce qui est stérile, et lumineux
d'îles, cartes ou cahiers
que dans une vie lointaine – souvenir encore d'une autre –,
j'ai parcouru,
des côtes où j'ai aimé – toujours aux rives de moi même –,
le chant des voyages comme des veillées en désir,
comme des outils parfumés,
les navires que mon 13ème ou Yapeyú d'où vient le vent,
jamais ont vu et ne verront jamais parce qu'ils sont
la terre entière,
le centre, cœur en silence
de nous autres tous,
et de nous, Ulysse, les chiens.

Pablo URQUIZA

Notes
- Leopoldo El Tero : vanneau téro, oiseau d'Amérique du Sud.
- Las Torres : quartier du district de Naucalpan, Mexique, célèbre pour ses tours.
- Zamba : forme musicale très populaire d'Argentine.
- Yapeyú : voix indienne signifiant l'origine du vent et nom d'un quartier de Córdoba, Argentine.


Le poète, traducteur et musicien Pablo URQUIZA est né à Córdoba, Argentine.
DEA en Lettres Modernes, il a enseigné la langue espagnole et la littérature latino-américaine en Argentine et au Mexique.
Auteur de Asilo personal / Asile personnel (2004, Editorial Argos et Abra Pampa Éditions – deuxième édition Éditions L’Inventaire, Paris, 2014) et Le Véritable Jour / El Día Verdadero (2009, Abra Pampa Éditions) ; la page-paris (en préparation) ; la poesía como un hueso / la poésie comme un os (2000, inédit) ; Poesía en sitio (1991, inédit).
A réalisé, traduit et édité de nombreuses anthologies de poésie, notamment : Entresilences, neuf poètes argentins (Éditions L’Inventaire, Paris, 2004) ; Tucumán, huit poètes argentins (Abra Pampa Éditions, 2006) ; Ultramarine, Ultramarina, cinq poètes de France (2008, Abra Pampa Éditions) ; Santa Fe, huit poètes argentins (2009, Abra Pampa Éditions), entre autres.
Il a publié pour les éditions Le Temps des Cerises, une version française de la Canción de Gesta / Chanson de Geste, de Pablo Neruda.
Il fait partie d'importantes anthologies de la poésie argentine, notamment Manos a la Obra (Sol Urbano, Córdoba) et Les Provinces et leur Littérature : Córdoba (Editorial Colihue, Buenos Aires).
Il est musicien professionnel.
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